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Les Tisseurs d’Instants
17 juin 2022
Dans le cadre de sa résidence d’implantation au Centre Culturel Léo Lagrange d’Amiens, la compagnie oriente ses recherches vers les thèmes de la mémoire ouvrière et l’histoire industrielle du textile de la Somme et des Hauts de France. “Les Tisseurs d’Instants” a été imaginé à la suite d’une collecte de témoignages d’anciens ouvriers textiles samariens. Cet ensemble de récits a servi de documentation sur leurs modes de production et de vie, et sur l’organisation du travail textile. Cette matière constitue notre point de départ avant un basculement du réel vers la fiction. La retranscription des interrogations et des utopies, en mots et en musique, est une réponse collaborative à la reconnaissance de “l’autre” comme faisant partie de la composition du monde.
“Le sujet de notre pièce est l’industrie textile. Nous allons nous inspirer des bribes d’histoire que nous avons consultées pour créer la nôtre. Le réel sera le point de départ de notre fiction, notre version d’une histoire. Comme un lien avec le passé vite rompu car il s’agit d’un monde disparu. Ceci, je crois, permet d’éviter deux écueils liés au sujet : la nostalgie ouvrière et le misérabilisme. Le temps a tendance à polir les souvenirs. Plus qu’à la mémoire elle-même, je préfère que nous restions fidèles au regard que nous posons sur le modèle économique qui nous gouverne. Celui du productivisme, système d’organisation de la vie économique dans lequel la production est donnée comme objectif premier. Il y a, là-dedans, quelque chose d’absurde tant les limites (environnementales, sociales, humaines) nous paraissent évidentes aujourd’hui. Ce caractère absurde domine la palette des couleurs d’ensemble. Nous ne souhaitons pas être dans un réalisme historique. Il est davantage question de composer à partir du réel et ensuite d’en faire une lecture décalée, teintée de poésie et d’humour.
Au-delà des chiffres et des différents aspects historiques, nous nous intéresserons à des singularités. Sept comédiens seront en jeu, cinq ouvriers (que l’on voit confectionner) et le directeur (musicien qui crée l’ambiance), et un électron libre (qui ponctuera le spectacle par plusieurs apparitions). La régie plateau sera visible et totalement assumée. Nous suivrons une usine qui fabrique des cravates. Le thème que je souhaite aborder est celui de l’accumulation. En effet, la production de plus en plus massive permet un traitement scénique évolutif, dynamique et coloré. Afin de placer les spectateurs au cœur de cette machine infernale, nous les placerons en 360° autour de la structure de l’usine qui s’agrandit à mesure que le spectacle se déroule. Il s’agit également ici d’engager une réflexion sur la forme, de faire une distinction entre le théâtre de rue et le théâtre dans la rue. Le dispositif scénique se déploie, s’agrandit et envahit l’espace. Il intègre le spectateur qui devient complice de son expansion. Pas de production sans consommation. Cela évoque aussi pour nous l’industrialisation et son empreinte sur un territoire.
Dans sa structuration, le spectacle est pensé à l’image d’une relation. En effet, dans les informations collectées par la compagnie au travers d’entretiens, je crois déceler une dimension affective. Le vocabulaire employé fait souvent écho à cette dimension : “j’étais mariée à ma machine”, “j’aimais mon métier”, “j’étais déçue”, “la fierté de créer ensemble”. Les différents états que constituent l’attachement, la dépendance, le déchirement et la rupture m’ont conduit à imaginer le spectacle comme l’histoire d’une relation qui se dégrade. Une relation entre des personnages et leur métier, entre un directeur et ses ouvriers, entre un objet et les conditions de sa fabrication. Le spectacle se termine dans une ambiance de chaos, à l’image des friches industrielles qui peuplent aujourd’hui les zones périurbaines. Mais avant cela, il sera visuel, musical, festif, poétique. Notre équipe est riche de savoirs-faire que nous mettrons à contribution en jeu ou en amont. Scénographie, théâtre, musique, danse, chant, arts plastiques, ainsi que leur éventuelle combinaison ouvrent un champ des possibles très enthousiasmant.”
Julien Graux
Julien Graux – metteur en scène
Simon Dubois – comédien
Delphine Galant – comédienne
Sophie Matel – comédienne
Alexis Tripier – comédien
Julien Huet – comédien compositeur
Céline Roucou – comédienne et plasticienne
Alexandrine Rollin – scénographe
Ibticem Mostfa Louis-Thérèse – costumière